Être conlanger, créateur de langues et de langages pour Hollywood
Bonjour à tous.
J'ai découvert aujourd'hui qu'il existait un terme pour la profession de ceux qui inventent des langues pour Hollywood. En effet, des linguistes sont embauchés par l'industrie cinématographique et télévisuelle pour créer des mots, des expressions, des phrasés et des intonations pouvant définir des langues inconnues, ou créées dans des médias différents.
Un conlanger, expression américaine, désigne ainsi un linguiste spécialisé dans l'invention de langues et langages pour le cinéma et les séries télévisées. Et tous, ici, nous avons déjà eu l'occasion d'assister à la mise en oeuvre de leur travail : des séries comme Star Trek, Star Wars, Stargate SG-1, Game of Thrones et plein d'autres ont bénéficié de telles créations et de tels traitements.
Un Klingon, célèbre race de Star Trek.
Le New York Times présente ainsi David J. Peterson, conlanger de trente ans ayant étudié la linguiste à l'Université de Californie. Il a, comme fait de gloire, l'invention de la langue dothraki, parlée dans la série télévisée à succès Game of Thrones dont voici un extrait :
David J. Peterson n'en est cependant pas à son coup d'essai : malgré son jeune âge, il a déjà créé douze langues avant celle-ci ! Il garde un excellent souvenir de deux d'entre elles : le Zhyler, pour lequel il s'est inspiré de l'ancien turc, et le Kamakawi, pour lequel il a déniché des points communs avec la langue de Hawaï (je ne trouve néanmoins pas pour quelles oeuvres ont servi ces deux langues).
Un Goa'uld, célèbre race de parasites extraterrestres apparus dans Stargate SG-1 et contrôlant les corps qu'ils possèdent.
Pour Peterson, le plus ardu dans sa profession est de juger de l'existence ou non d'un mot, qui est pourtant très connu et commun pour nous. Si certains sont aisément expulsables (pas de téléphone pour les Dothrakis !), certains méritent un plus gros travail : si la série de livres Game of Thrones (Le Trône de Fer en français) n'indique aucune grammaire et aucun orthographe particulier pour les Dothrakis, l'auteur souligne quand même que ce peuple a quatorze mots différents pour définir un cheval, pièce fondamentale de leur culture.
Pour être un grand fan de cette série, je ne peux qu'apprécier le travail de Peterson, qui s'est très bien approprié l'esprit des histoires pour livrer une langue adaptée et qui me refait penser aux livres que j'ai lu.
Peterson indique d'ailleurs s'inspirer des oeuvres pour créer ses langues, mais surtout en jouant et en combinant des lettres avec des sons. Après avoir forgé quelques bases de vocabulaire, il teste grammaticalement ses productions en créant des modèles de phrases, en y insérant des suffixes et des préfixes pour envelopper le tout. Son objectif final est ainsi de parvenir à environ 10 000 mots.
En août 2011, Slate.fr avait publié un article s'interrogeant sur les langues fictives et leur réalité : si des linguistes et des fans s'acharnent à trouver plusieurs milliers de mots, peut-on encore considérer un tel language comme fictif, artificiel ? Un lexique y est également proposé, en plus de cette réflexion sur le développement de ce phénomène.
Les langues sindarin, quenya ou khuzdûl dans Le Seigneur des Anneaux de Tolkien ont ainsi beaucoup fait pour cette nouvelle dynamique, qui incorpore totalement les fans dans la continuité des oeuvres, dans leur enrichissement. Le phénomène touche également la Science-Fiction avec le klingon dans Star Trek, pour le na'vi dans Avatar de James Cameron.
Cependant, pour que de telles langues soient considérées comme réelles, il faudrait une volonté, un désir de ceux qui veulent la pratiquer de l'utiliser régulièrement, de la faire vivre et évoluer, comme nos langages actuels. Et D'Armond Speers, un père américain du Minnesota, a eu une telle volonté : en parlant à son fils uniquement en klingon de sa naissance à ses trois ans, alors que sa femme continuait de lui parler uniquement en anglais, il est parvenu à ce que son enfant soit totalement bilingue anglo-klingon !
Rares sont les fans ayant autant d'abnégation (et de telles pratiques !), et les langues inventées semblent encore demeurer dans le carcan des oeuvres dont elles sont issues, malgré leurs fans. A noter que, si depuis plus de soixante ans le phénomène de création de langues imaginaires augmente, l'Unesco souligne que 25 langues bien réelles disparaissent chaque année.
En effet, le Français Claude Hagège a souligné dans l'Express que «Dans un siècle, si rien n'est fait, nous aurons perdu la moitié de notre patrimoine linguistique, et sans doute davantage à cause de l'accélération due aux prodigieux moyens de communication.»
Une situation paradoxale, qui prouve peut-être que les générations actuelles s'intéressent plus à la fiction qu'à la réalité : un autre sujet de débat !
A bientôt !