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Notre paradis - 11/03/2011

Publié le par BenT

Salut à tous,

 

Encore une pause dans l'écriture et la publication de mon histoire Erreurs ajustées pour un texte que j'ai voulu... humoristique. Je n'ai jamais été à l'aise dans cet exercice et j'espère avoir été un peu meilleur ici. Merci à Romain pour l'idée, et désolé si les choses voulues marrantes tombent à l'eau. Bonne lecture.

 

 

Notre paradis

 

Lentement, ses paupières s’ouvrirent. Il bailla, s’étira, passa sa langue sur ses lèvres ; il avait l’impression d’avoir fait le tour du cadran. Sa nuque lui faisait un peu mal, comme quand il dormait dans une mauvaise position ou sur le canapé quand Lucie lui avait injustement refusé la couche conjugale. Ses doigts étaient engourdis, ses pensées ralenties. Le réveil était difficile.

Il sentait le contact doux de draps en soie ou dans une belle matière ; il n’avait jamais été doué pour reconnaître ce genre de chose, il laissait ça à Lucie. Lui, il était plus dans le concret, dans les choses importantes. Pas dans les détails de bonne femme.

 

Il se frotta les paupières et se releva. Son dos le faisait aussi souffrir. Baille. Il en tenait une couche, ce matin. Il n’aurait pas dû se coucher trop tard… mais il ne se souvenait pas s’être couché tard. En fait, il ne se souvenait pas s’être couché du tout. Ses derniers souvenirs remontaient à… midi. La pause déjeuner. Quand il mangeait son sandwich en jouant sur son Iphone, et qu’il traversait et…

 

« Et que vous êtes mort, Michel. »

 

Un homme était assis en face de lui, sur une chaise en bois. Il avait une longue barbe blanche, était chauve, portait une sorte de longue toge blanche et croisait ses jambes poilues. Pour un peu, on pouvait voir sous la toge, si on baissait la tête. Mais Michel n’avait aucune envie de baisser la tête.

 

« Je… quoi ?

-         Oui, vous êtes mort. Vous mangiez votre sandwich, vous jouiez avec votre Iphone sur DoodleJump, et vous êtes mort.

-         Mais… comment…

-         Ecrasé, par une voiture. Vous ne faisiez pas attention. Rien d’original.

-         Mais… je…

-         Au fait, j’ai oublié : je m’appelle Pierre. Enchanté.

-         Pierre… ? Comme... Saint-Pierre ?

-         Hein ? Ah, Oui. Mais restons avec Pierre, nous sommes entre nous, pas de titres ronflants, voulez-vous. Ça me gêne.

-         Mais… je suis… au… au…

-         Au paradis, oui, c’est ça. »

 

Michel regarda alors autour de lui pour la première fois. Outre le lit aux draps blancs, il n’y avait… rien. Ou plutôt, que des murs blancs, du sol blanc, un plafond blanc et une porte au fond. Blanche, évidemment.

Et Saint-Pierre. Tout blanc, lui aussi.

 

« Mais…

-         Allons, allons, laissez-moi tout vous raconter d’un coup. Vous êtes choqué, vous n’arrivez pas à parler et vous allez mettre des heures à poser les bonnes questions. Et je n’ai pas des heures à vous consacrer, il y a match bientôt et je ne veux pas rater ça.

-         M… match ?

-         Hein ? Match. Oui, un match. Oui. Chelsea contre Manchester United. Go Chelsea !

-         Je… euh… je préfère United… »

 

Michel ne savait pas pourquoi il avait répondu, réplique-réflexe née de son adoration pour le football et son rejet des grosses équipes comme ManU ou le Real de Madrid. Lucie ne comprenait pas pourquoi il préférait supporter les équipes qui étaient apparemment les moins fortes ; elle ne comprenait pas la beauté de la victoire du petit sur le grand ; elle ne comprenait pas grand-chose, de toute façon.

Saint-Pierre se leva et lança un regard noir à Michel, qui descendait aussi du lit. Par bonheur, il découvrit qu’il portait un caleçon. C’était déjà mieux que rien.

 

« Bon, je laisse passer parce que vous venez d’arriver, mais plus de ça ! On n’accepte pas ce genre de blagues stupides.

-         Blagues… ?

-         Manchester United. Surnommés les Red Devils. Vous croyez vraiment qu’il y a beaucoup de fans, ici ? »

 

Saint-Pierre haussa les épaules et ouvrit la porte à Michel, qui le fit pénétrer alors dans un immense jardin. L’herbe et les arbres s’étendaient à perte de vue, une énorme piscine était visible sur la droite, un magnifique château apparaissait au fond, une plage superbe sur la gauche… un endroit paradisiaque, avec un soleil sublime et une température juste parfaite.

Un énorme sourire apparut sur le visage de Michel. Il n’en revenait pas.

 

« Wow. Je… wow. Je ne sais pas quoi dire.

-         Moi non plus.

-         Quoi ?

-         Hein ? Ah j’ai dis ça à haute voix ? Pardon. Non, je disais « moi non plus, je ne sais pas quoi dire ». Ce n’est pas pour être méchant, mon petit Michel, mais vous n’êtes pas très original. Bon, vous faites mieux que le précédent qui n’avait créé que des nuages, mais c’est ça votre vision du paradis ? Vous savez que vous aviez la même chose sur Terre ? Bon, ça coûtait cher, mais ça existait. Vous auriez pu déjà l’avoir. Et je ne parle même pas de moi ! Est-ce une façon de m’imaginer ? Vieux, en toge, tout blanc et… CHAUVE ! Quand même, un peu de respect !

-         Mais… de quoi vous parlez ?

-         Hein ? Ah, pardon, oui. Quand vous arrivez ici, vous vous forgez votre propre paradis. Tout ça, là, ça vient de vous : cet endroit pioche dans votre inconscient votre vision du paradis et l’adapte. Tous ceux qui restent ici jusqu’au Jugement Dernier ont leur propre vision du paradis, et tous interagissent ensemble sans jamais voir ce que voient les autres. Chacun a donc son petit paradis, mais… tous ensemble, quoi. Mais pas l'émission de TF1, évidemment.

-         Il n’y a personne.

-         Hein ?

-         Je suis seul ici. Je ne vois personne d’autre. »

 

Autour de lui, « son » paradis était idyllique mais vide. Aucune âme qui vive, même s’il sentait que ce n’était pas forcément la meilleure des expressions, ici. Enfin, il aurait aussi pu penser à « c’est mort », mais là… ça aurait été un peu trop.

 

« Ah. Oui. C’est pas faux.

-         Où sont les autres ?

-         Quels autres ?

-         Les autres personnes. Ceux qui sont au paradis. Les âmes nobles, les gens biens.

-         Ah. Eux. Oui. Voilà.

-         Alors ? Où sont-ils ? »

 

Michel ne comprenait rien. Il essayait de se raccrocher à quelque chose, mais ce type, cet endroit, ce côté vide… ça commençait à devenir beaucoup. Heureusement, il arrivait encore à être sain d’esprit. Ou il ne l’était plus et ne s’en rendait pas compte. Dans les deux cas, ça allait pour l’instant : il gérait. Autant pour Lucie et sa certitude qu'il ne savait pas supporter le stress. Foutue bonne femme.

Saint-Pierre, lui, semblait par contre très mal à l’aise et se caressait sa longue barbe assez frénétiquement avec sa main, dans un geste apparemment habituel et singulier. Il faisait peur.

 

« Ah. Oui. Et bien, voyez-vous, tout cela est bien compliqué. Quand l’endroit a été créé, l’idée du Patron a été de…

-         Le Patron ?

-         Hein ? Bah oui, le Grand Patron. Le Boss. Le Chef. Dieu, quoi.

-         Ah. Lui.

-         Hein ? Bah oui, Lui. Bref. Donc, son idée, c’était de faire un endroit pour ceux qui font des péchés, ceux qui en ont fait mais veulent se repentir et ici, pour ceux qui n’ont fait jamais de péchés, qui sont purs, tout ça.

-         Oui.

-         Belle idée, hein ? Nous, on a beaucoup aimé, on a construit l’endroit, on a fait le truc avec les paradis personnels mais communs, tout ça, tout ça. Sauf que… on n’a jamais eu personne.

-         Quoi ?

-         Bah oui : l’idée de départ, c’est que ceux qui viennent ici n’aient jamais péchés. Jamais. Ou qu’ils aient toujours tout confessé, qu’ils se soient toujours rachetés. Et encore, la jurisprudence du Purgatoire est sévère et demande vraiment des critères très relevés pour laisser passer. Ces types-là ne rigolent pas et gardent des gens pour leur faire expier leurs péchés, les faire regretter tout ça… bref, ils font leur job. Sauf qu’ils les gardent pour des milliers d’années ! Et encore, ça c’est pour ceux qui sont les plus calmes, les plus gentils. Bref, ceux qui ne sont pas morts il y a tr-s longtemps, ceux qui ont subi les dogmes de l’Eglise, tout ça. Par contre, ceux morts avant, oulala ! Eux c’est direct les flammes ou le Purgatoire pour trèèès longtemps. Bref, tout ça fait qu’on a encore eu personne.

-         P… personne ?

-         Bah non. Personne. Vous êtes le premier.

-         M… mais… et… et les gens célèbres ? Et tous ces gens biens ?

-         Qui ?

-         Bah… je sais pas… Jésus, déjà !

-         Il est retourné chez son père. Oh, si t’as le choix entre passer le temps jusqu’au Jugement Dernier au camping ou dans un palais chez papa, tu choisis vite.

-         Et… et tous les Saints, là ?

-         Ils sont dans le staff.

-         Et… je sais pas, tous les grands humanistes, comme Gandhi ?

-         Il s'imposait l’abstinence pour être plus pur. C’est Mal.

-         Et… Marie Curie, Pasteur ?

-         Pasteur a laissé des animaux mourir pour trouver son vaccin. Enfin, je crois. Je ne sais plus pourquoi il n’est pas là, mais je pense que le Patron n'a pas aimé qu'il fasse chuter l'efficacité d'une de ses maladies préférées. Et Marie Curie a trop cherché la gloire, il paraît. Et elle s’est droguée au radium, selon la rumeur. Elle en est morte, d'ailleurs. Sale histoire.

-         Et… le Général De Gaulle ?

-         Vous rigolez ? C’est un militaire. C’est Mal.

-         Et… Lady Di ?

-         Si Harry ne ressemble pas à Charles, il y a une raison. Heureusement pour lui, d’ailleurs.

-         Et… Martin Luther King ?

-         Il voulait divorcer.

-         Et… Kennedy ?

-         Restons sérieux, Michel.

-         Et… Mère Térésa ?

-         Le Patron n’a pas aimé la concurrence. Mon copain Lucifer peut vous en parler.

-         Et… Gorbatchev ?

-         Ceux qui sont morts de faim en Russie ou qui ont subi les conséquences des ventes d’armes sauvages de l’ex-URSS lui disent merci.

-         Et… Nelson Mandela ?

-         Il a refusé de se marier avec la femme qui lui était destiné. Le Patron aime bien le respect des règles, vous savez.

-         Et…Liu Xiaobo ?

-         Il n’est pas encore mort...

-         Et... les grands écrivains ? Hugo, Dumas... ?

-         Alcoolisme, drogue, etc., etc.

-         Et... Jeanne d'Arc ?

-         Elle était juste folle, en fait. Le Patron n'a rien à voir là-dedans.

-         Et... Marie ? Et Joseph ?

-         Marie est avec le patron. Joseph... bah, le Patron n'aime pas la concurrence, je vous l'ai dis.

-         Et… et... mes parents ?

-         Bah non, ils ont élevé un fils qui a volé un carambar étant petit. Ils auraient dû faire plus attention.

-         Mais… c’est moi leur fils !

-         Hein ? Ah bah oui, tiens. Vous avez volé un carambar le 12 août 1983, à Montpellier, Au Pain Gourmand, 142 Avenue de Toulouse.

-         M… mais j’avais huit ans ! Et j’ai toujours essayé de bien faire après ! J’ai jamais rien fait de mal ! Ou en tout cas j'ai toujours voulu rattraper mes erreurs !

-         Huit ans et déjà les germes du vice en vous. Vous devriez avoir honte.

-         Mais… mais j’étais qu’un gosse !

-         Et vous ne vous êtes jamais confessé. Vous n’avez jamais demandé Pardon.

-         Mais…

-         Le Pardon est éternel et divin, Michel.

-         Mais je demande pardon !

-         Hein ? Ce n’est pas à moi qu’il faut le dire. Et c’est trop tard. Vous allez maintenant avoir quelques siècles pour vous repentir. Au Purgatoire.

-         Mais… mais…

-         A dans quelques siècles, Michel. D'ailleurs, je suis sûr que vous avez commis d'autres péchés par la suite : l'envie, l'avarice, la luxure... allons, soyez beau joueur : les règles sont claires, vous ne les respectez pas, à vous d'assumer. C'est le jeu, n'y voyez rien de personne. Et puis, si vraiment vous êtes quelqu'un de bien, on se reverra dans quelques siècles... tout au plus ! Allez, à bientôt ! »

 

Et Michel disparut dans une explosion de souffre.

Autour de Saint-Pierre, les jardins et arbres à perte de vue commencèrent à disparaître pour faire place à un immense salon rempli de canapés, d’écrans d’ordinateurs, de télévisions, de consoles de jeux, de flippers, de bornes d’arcades, de distributeurs gratuits de canettes et de chips, d’un four à pizza avec son pizzaïolo italien et de numéros de stripteaseuses. Plusieurs personnes apparurent alors à ses côtés, tous habillés d’un gros jogging et d’un t-shirt sale. Ils étaient gros et gras, comme lui, qui avait changé sa toge pour quelque chose de plus agréable. Avec joie, il enleva aussi sa longue barbe alors qu’il s’asseyait dans le canapé en face d’un écran plat… mural.

 

« Alors, comment ça s’est passé ?

-         Comme d’hab’. La routine.

-         T’as trouvé quoi, cette fois-ci ?

-         Il a volé un bonbon étant gosse.

-         HOUUUUUU. Sévèèèèèère.

-         Ouais, c’était chaud cette fois-ci. Mais je pense qu'en cherchant plus loin, j'aurais trouvé plus gros, mais j'avais la flemme.

-         Tu crois pas que le Patron s’en rendra compte un jour ?

-         P’têt, mais ça m’étonnerait. Lulu en profite avec une main d’œuvre gratos, les gars du Purgatoire s’amusent aussi avec leurs p’tits esclaves et nous on est peinards.

-         D’ailleurs, les mecs du Purgatoire veulent refaire quelques séjours de vacances ici.

-         Ok, qu’ils regardent le planning pour qu’il n’y ait pas de doublon avec les mecs de Lulu. Tu regardes ça, Jeannot ?

-         Ouais. Matt’ me filera un coup de main et Marco se chargera de la comm’.

-         Ouais, mais après ! Là c’est le match ! GO CHELSEA ! GO CHELSEA !

-         Ouaiiiiis, GO CHELSEA ! Ah, franchement, les mecs, quelle belle idée on a eu de balancer toutes les âmes aux copains. Franchement, les gars, à votre avis, être ici, entre potes, à regarder des matchs, à boire, à bouffer, à mater des meufs et sans que personne vienne nous emmerder, à votre avis, c’est quoi… ?

-         Mec, le paradis aura jamais aussi bien porté son nom. »

 

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J
<br /> Pour quelqu'un qui n'est pas trop habitué à écrire ce genre de choses, tu t'en tires plutôt pas mal :)<br /> <br /> J'adore ce Pierrot cynique et blasé, et la conclusion fait bien sourire. Les explications sur 'pourquoi les gens biens ils sont pas là', c'était que du bonheur :)<br /> <br /> A part le dernier paragraphe où j'ai du m'y reprendre à deux fois pour comprendre (mais c'est pas nécessairement ta faute sur ce coup...), ça se lit tout seul, c'est agréable en bouche et ça fond<br /> sous la langue :P<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Roooh, tu es trop gentille. :)<br /> <br /> <br /> Merci !<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> Hop, un avis en express.<br /> C'est rigolo, mais quitte à faire dans le débile, tu aurais pu faire plus. C'est pas grave, je sais que tu n'es pas à l'aise avec le genre. Tu gardes une cohésion, tu arrives même à glisser une<br /> petite explication au concept de paradis, pas mal de références...<br /> C'est bien, beau boulot.<br /> (Et je suppose que le choix de la ville n'est pas un hasard, coquin)<br /> <br /> Attention cependant, faudra faire plus attention à la relecture et surtout aux participes passé, mais tu le sais déjà.<br /> Keep on !<br /> <br /> <br />
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